Cartel des changes

Entente dans le domaine des opérations de change au comptant : Bruxelles inflige 344 millions d’euros d’amende aux banques.

La décision de la Commission européenne du 2 décembre 2021 sanctionne un cartel sur les changes. Margrethe Vestager, vice-présidente chargée de la politique de concurrence, a déclaré que « le marché des opérations de change au comptant est l’un des plus grands marchés financiers du monde. Le comportement collusoire des cinq banques a porté atteinte à l’intégrité du secteur financier au détriment de l’économie et des consommateurs européens ». 

Par cette décision, la Commission a clôturé son enquête concernant une entente sur le marché des opérations de change au comptant portant sur les onze devises les plus liquides et les plus négociées dans le monde (telles que l’euro, le yen japonais, le dollar américain, la couronne danoise). Elle a sanctionné : HSBC, Crédit Suisse, Barclays, Royal Bank of Scotland et UBS qui échappe à la sanction pour avoir révélé l’existence de l’entente.

L’échange des devises sur le marché des changes (Forex) passe généralement par l’intermédiaire d’un courtier qui va fournir l’accès au marché. Les principaux clients des traders du Forex sont des gestionnaires d’actifs, des fonds de pension, des hedge funds, de grandes entreprises et des banques. Les faits ont eu lieu entre mai 2011 et juillet 2012. Certains traders, autrement dit des concurrents directs, échangeaient des informations sensibles, des plans de négociation et coordonnaient leurs stratégies sur les devises du G10. Ils agissaient au nom des banques et utilisaient pour cela un forum professionnel de discussion appelé « Sterling Lads ». Les échanges d’informations leur permettaient de coordonner leurs achats et leurs ventes. Ainsi, la décision de vendre ou d’acheter les devises d’un trader ne résultait plus d’une prise de risque individuelle mais d’une coordination.

La Commission se fonde sur les articles 101 du TFUE et 53 de l’accord EEE pour condamner la pratique anticoncurrentielle d’une amende d’un total de 344 millions d’euros. La sanction la plus lourde est infligée à HSBC avec une amende de 174,3 millions d’euros, Barclays est condamnée à payer une amende de 54,3 millions d’euros et RBS, renommée NatWest, à une amende de 32,5 millions d’euros.

Les trois banques, HSBC, Barclays et RBS ont reconnu leur responsabilité, elles ont donc pu réduire le montant de leur amende grâce au recours à la procédure de transaction. Celle-ci repose sur le Règlement n°662/2008 du 30 juin 2008 et sur une Communication du 2 juillet 2008 relative aux procédures de transaction engagées en vue de l’adoption de décisions en vertu des articles 7 et 23 du Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil dans les affaires d’entente. La procédure de transaction aboutit à une réduction de 10% du montant de l’amende à infliger. Toutefois, pour en bénéficier, les entreprises doivent reconnaître leur participation ainsi que leur responsabilité dans la mise en œuvre de la pratique. 

UBS échappe à une amende de 94 millions d’euros car la banque suisse bénéficie d’une immunité totale pour avoir lancé l’alerte. En effet, le droit européen prévoit deux régimes d’immunité dans sa Communication de 2006 sur la clémence. Un premier régime permet à une entreprise de bénéficier d’une réduction totale de l’amende, le second permet une réduction partielle du montant de l’amende. L’immunité totale est accordée à l’entreprise qui révèle sa participation à l’entente présumée si elle est la première à fournir des éléments de preuve qui permettront à la Commission de réaliser une enquête. L’entreprise, dans ce cas, doit mettre fin à sa participation à la pratique, ne doit pas détruire, divulguer ou dissimuler de preuve et faire preuve d’une « coopération véritable, totale, permanente et rapide » pendant la procédure.

Le Crédit Suisse a été condamné à payer une amende de 83,3 millions d’euros. Elle n’a pas bénéficié de la réduction de 10% du fait de la procédure de transaction, car celle-ci n’a pas coopéré avec les autorités. Cependant, la Commission lui a accordé une réduction de 4% parce qu’elle ne la tient pas pour responsable de tous les aspects de l’affaire

Cette décision fait partie de l’enquête Forex menée depuis 2013 par la Commission car celle-ci avait révélé l’existence de trois infractions distinctes. Pour les deux autres infractions Citigroup, JPMorgan et MUFG étaient également impliqués, elles ont été conclues par des décisions de règlement par transaction en mai 2019 et avaient donné lieu à 1,07 milliard d’euros d’amende. UBS avait déjà bénéficié du programme de clémence car la société avait dénoncé les agissements à la Commission, ce qui avait conduit à l’ouverture d’une enquête en septembre 2013.

Rédigé par Cléa Perrais.