Affaire Google Shopping

Dans une décision historique, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté, le 10 novembre 2021, la demande de révision de Google concernant la décision de la Commission européenne du 27 juin 2017 condamnant la firme pour abus de position dominante.

Le 27 juin 2017 la Commission européenne condamnait Google et Alphabet, la société mère de Google, à payer solidairement les sommes de 2 424 495 000 € et 523 518 000 €. Il s’agit de l’affaire dite « Google Shopping ». La Commission estimait que Google avait abusé de sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche en favorisant son propre système de comparaison de prix : Google Shopping, par rapport aux comparateurs de prix concurrents. La stratégie de Google avait lieu en deux temps :

• Lorsqu’un utilisateur effectuait une recherche classique sur le moteur de recherche Google, les résultats Google Shopping apparaissaient dans la première partie des résultats de recherche.

• Les comparateurs de prix concurrents étaient rétrogradés, même le comparateur le mieux classé n’apparaissait en moyenne qu’à la page quatre des recherches.

La Commission qualifie cette pratique d’abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche, au motif que la société bride la concurrence sur le marché de la comparaison des prix. En effet, la pratique a permis au comparateur de prix de Google de réaliser des gains importants au détriment de ses concurrents dans 13 pays européens.

La firme avait donc fait appel de la décision devant le Tribunal de l’Union européenne, sans contester sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche, Google prétendait que les pratiques abusives qui lui étaient reprochées étaient de simples améliorations qualitatives de son service

Le 10 novembre 2021, le Tribunal de l’Union européenne a rendu une décision de rejet. L’arrêt rappelle à ce titre que la position dominante ne pose pas de problèmes en soi. C’est la combinaison de l’autopromotion de son propre service, avec la rétrogradation des services concurrents qui posent ici problème

Afin de pouvoir qualifier le comportement de la firme d’abus de position dominante, le Tribunal définit le moteur de recherche Google comme étant une infrastructure. Google est donc un fournisseur mettant à disposition de distributeurs une infrastructure numérique permettant d’interagir avec un écosystème d’utilisateurs. Ici, Google abuse de sa position en limitant volontairement l’accès de certains fournisseurs à l’écosystème d’utilisateurs, pour promouvoir ses propres services

Le Tribunal rappelle également que la différence de traitement entre le comparateur de prix de Google et les comparateurs de prix concurrents ne résulte pas de différences objectives de qualités, mais bien d’un choix délibéré de la firme de limiter l’accès de ses concurrents au marché. Google n’ayant pas réussi à démontrer que les différences de référencement ne résultaient que des améliorations objectives apportées par Google à son service, le caractère discriminatoire de la pratique est donc en l’espèce démontré.

Le Tribunal reproche également à la firme d’avoir trahi son modèle économique. En effet le principe du moteur de recherche Google était de proposer à un écosystème d’utilisateurs la totalité des résultats de recherche possibles. Ainsi la restriction arbitraire de certains contenus ne peut se comprendre que dans le cadre d’un abus de position dominante.

Cette décision s’inscrit dans un contexte plus large de tentative de régulation de l’économie numérique en Europe. Ainsi le 15 juin 2021, la UK Competition Authority a lancé une étude sur les firmes Apple et Google afin de déterminer si leur écosystème de services numériques leur permettent d’abuser de leur position dominante.

Rédigé par : Victor Le Meur